Nouvelle décision favorable : « Absence de prestation compensatoire en cas d’opacité de la situation financière du demandeur » – Cabinet POLITANO AVOCATS, représenté par Maître Jean-Baptiste POLITANO, avocat intervenant en divorces et séparations.
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULON
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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JUGEMENT DE DIVORCE
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JUGEMENT DU : 02 Juillet 2024
POLE FAMILLE
MINUTE N° : 24/
N° RG 22/02968 – N° Portalis DB3E-W-B7G-LRN2 J.A.F Cabinet 2
Le 02 Juillet 2024, [C1], Juge aux Affaires Familiales, en présence de [C2], Greffier, a rendu le jugement suivant, après que l’affaire a été plaidée le 11 Juin 2024 devant :
– Juge aux Affaires Familiales : [C1]
– Greffier : [C2]
ENTRE
[Madame Y]
née le [Date de naissance Y] à [Ville Y]
demeurant : [Adresse Y]
DEMANDERESSE
assistée par Me Catherine MISSUC, avocat au barreau de TOULON
ET
[Monsieur X]
né le [Date de naissance X] à [Ville X]
demeurant : [Adresse X]
DÉFENDEUR
assisté par Me Jean-baptiste POLITANO, avocat au barreau de TOULON
FAITS, PROCEDURE :
[Monsieur X] et [Madame Y] se sont mariés le [Date Mariage] devant l’officier de l’état-civil de la commune de SAINTMAXIMIN LA SAINTE BEAUME (VAR) sans avoir fait précéder leur union d’un contrat de mariage.
Cinq enfants sont issus de cette union, tous sont majeurs :
- [Enfant A]
- [Enfant B]
- [Enfant C]
- [Enfant D]
- [Enfant E]
Par acte d’huissier du 17 mai 2022, [Madame Y] a assigné son conjoint en divorce sur le fondement de l’article 237 du code civil.
A l’audience du 10 octobre 2023, les parties, représentées par leurs Conseils respectifs, ont renoncé expressément aux mesures provisoires et sollicité par conclusions expresses et concordantes ou actes d’avocat transmis au juge de la mise en état, le prononcé du divorce sur le fondement de l’article 237 et 238 du code civil.
Par conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 13 septembre 2023, [Madame Y] sollicite, outre le prononcé du divorce pour altération définitive du lien conjugal :
- Ordonner mention du jugement à intervenir en marge de l’acte de mariage des époux, célébré le [Date Mariage] par devant l’Officier d’Etat Civil de la commune de SAINT MAXIMIN LA SAINTE BAUME (VAR) et en marge des actes d’état civil de chacun des époux.
- Dire et juger que [Madame Y] pourra conserver l’usage de son nom d’épouse.
- Condamner [Monsieur X] à verser à [Madame Y] la somme de 50.000 € à titre de prestation compensatoire.
- Ordonner la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux.
- Statuer ce que de droit sur l’article 700 du CPC et les dépens.
Par conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 07 février 2023, [Monsieur X] sollicite, outre le prononcé du divorce pour altération définitive du lien conjugal :
- Ordonner mention du jugement à intervenir en marge de l’acte de mariage des époux célébré le [Date Mariage] par devant Monsieur l’Officier d’État Civile de la ville de SAINT MAXIMIN LA SAINTE BAUME (83), ainsi qu’en marge de l’acte de naissance des époux à savoir : o [Madame Y] née à [Ville Y] le [Date de naissance Y] o [Monsieur X] né à [Ville X] le [Date de naissance X]
- Donner acte à [Madame Y] de ses propositions relatives au règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux,
- Inviter les parties à la liquidation et partage du régime matrimonial de séparation des biens si cela s’impose
- Dire que le divorce emportera révocation de donations et avantages matrimoniaux que les époux auraient pu se consentir,
- Dire qu’après le prononcé du divorce, [Madame Y] conservera l’usage du nom de son époux
- Dire n’y avoir lieu à prestation compensatoire en l’absence de disparité dans les revenus et ressources respectifs des époux
- Débouter [Madame Y] de sa demande de désignation d’un Notaire sur le fondement de l’article 255-10 du code civil
- Statuer ce que de droit sur les dépens, qui seront distraits au profit des avocats constitués en la cause,
Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est expressément fait référence aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et de leurs moyens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 septembre 2023 avec effet au 26 septembre 2023, et l’affaire retenue à l’audience à juge unique du 10 octobre 2023.
La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la nature du jugement
Toutes les parties ayant comparu, il convient de statuer, en application de l’article 467 du Code de procédure civile, par jugement contradictoire et en premier ressort, eu égard à la nature et au montant de la demande.
Sur la cause du divorce :
Aux termes de l’article 237 du Code civil, le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré.
L’article 238 du même Code précise que l’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis un an lors de l’assignation en divorce.
Le juge ne peut relever d’office le moyen tiré du défaut de l’expiration du délai d’un an, sous réserve des dispositions de l’article 472 du Code de procédure civile.
Par conclusions concordantes, les époux confirment résider séparément depuis l’année 2016.
Les conditions du divorce pour altération définitive du lien conjugal se trouvent réunies, de sorte qu’il convient de prononcer le divorce.
Conséquences du divorce :
Sur les demandes de « donner acte » et de « constater » :
Les demandes de « donner acte » et de « constater » ne constituent pas une prétention sur laquelle le juge doit se prononcer au sens de l’article 4 du code de procédure civile, l’éventuelle décision de donner acte étant en tout état de cause dépourvue d’effet. Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes formulées en ce sens, pas plus que sur celles visant à appliquer des dispositions prévues de plein droit par la loi.
Sur les mesures relatives aux enfants communs :
Les enfants sont tous majeurs. Il n’y a donc pas lieu de se prononcer sur l’autorité parentale, la résidence habituelle et le droit de visite et d’hébergement.
Ils sont également indépendants matériellement et financièrement, à l’exception de [Enfant E] qui réside chez sa mère et perçoit l’AAH.
Sur les rapports entre époux :
Sur les propositions de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux :
Aux termes de l’article 257-2 du code civil, la demande introductive d’instance comporte, à peine d’irrecevabilité, une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux.
Il convient de donner acte aux parties des propositions présentées.
Sur les intérêts patrimoniaux :
S’agissant d’une demande introduite par assignation postérieure au 1 janvier 2016, il convient de faire application de l’article 267 du code civil dans la rédaction résultant de l’ordonnance 2015-1288 du 15 octobre 2015 (articles 2 et 17 de l’ordonnance). Selon cette disposition, à défaut d’un règlement conventionnel par les époux, le juge statue sur leurs demandes de maintien dans l’indivision, d’attribution préférentielle et d’avance sur part de communauté ou de biens indivis. Il statue sur les demandes de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux, dans les conditions fixées aux articles 1361 à 1378 du code de procédure civile, s’il est justifié par tous moyens des désaccords subsistants entre les parties. Il est justifié de ces désaccords notamment en produisant une déclaration commune d’acceptation d’un partage judiciaire, indiquant les points de désaccord entre les époux, selon les modalités précisées à l’article 1116 du code de procédure civile, ou le projet liquidatif établi par le notaire désigné au stade de l’ordonnance de non conciliation. Il peut, même d’office, statuer sur la détermination du régime matrimonial applicable aux époux.
Il n’appartient pas au juge du divorce d’arbitrer la discussion qui s’est instaurée entre les époux, à la suite de la proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux faite par le demandeur conformément à l’article 257-2 du code civil.
En effet, cette proposition n’a vocation qu’à préciser les intentions, mais ne constitue pas une prétention au sens de l’article 4 du code de procédure civile, ainsi que l’indique l’article 1115 du même code.
Les compétences liquidatives du juge aux affaires familiales lors du prononcé du divorce étant limitées aux cas précédemment énoncées, en l’absence de règlement conventionnel des époux, et en l’absence de justificatif concernant les éventuels désaccords subsistant entre les parties [Madame Y] sera déboutée de sa demande de désignation d’un notaire.
Il sera en revanche rappelé que le divorce entraîne de plein droit la dissolution du régime matrimonial des époux et que, conformément aux dispositions des articles 1360 et suivants du Code de procédure civile, le partage ne peut être judiciairement prononcé qu’après échec d’une procédure amiable.
Sur la prestation compensatoire :
En vertu de l’article 270 du Code civil, l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation compensatoire, destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives.
Selon l’article 271 du Code civil, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
A cet effet, le juge prend en considération notamment :
– la durée du mariage,
– l’âge et l’état de santé des époux,
– leur qualification et leur situation professionnelle,
– les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne,
– le patrimoine estimé ou prévisible des époux tant en capital qu’en revenu après liquidation du régime matrimonial,
– leurs droits existants et prévisibles,
– leur situation respective en matière de pension de retraite.
[Madame Y] demande au tribunal de condamner [Monsieur X] à lui verser la somme de 50.000€ au titre de la prestation compensatoire.
S’agissant de la situation personnelle des époux, il convient de relever que ceux-ci sont respectivement âgés de 61 ans pour la femme et de 80 ans pour le mari, et que le mariage a duré 38 années, dont 30 ans de vie commune.
S’agissant de la situation patrimoniale et professionnelle des époux, ils produisent tous les deux la déclaration sur l’honneur prévue à l’article 272 du code civil.
Concernant [Madame Y] :
- revenus : 1.247€ (pension retraite)
- charges : 710€ (loyer)
- patrimoine :
o compte courant : solde non justifié
o placement [Banque A] : 22.269€
o placements [Banque B] : 198.670€
Concernant [Monsieur X] :
– revenus : 1.962€ (pension de retraite + revenus fonciers 2021)
– charges : propriétaire de son habitation
– patrimoine immobilier :
– 450.000€ [Ville A]
– 220.000€ [Ville B]
– 260.000€ [Ville C]
– 100% parts sociales [Société X]
Patrimoine commun : aucun
[Monsieur X] soutient que la société « [Société X] » a fait l’objet d’une liquidation judiciaire, et pour preuve verse aux débats une notification d’ordonnance du juge commissaire en charge de la procédure collective. Ce document ne prouve pas la liquidation judiciaire de la société.
[Monsieur X] indique dans sa déclaration sur l’honneur détenir, entre autres actifs, 100% des parts de cette société. Si la société a fait l’objet d’une liquidation judiciaire, les parts sont sans valeur. Il ne semble pas cohérent de les mentionner à l’actif de [Monsieur X].
[Madame Y] indique que les sommes placées ([Banque A] et [Banque B]) sont des fonds propres mais n’indique pas ce qu’elle a fait des 100.000€ provenant de la licitation de 2019. Elle ne verse pas de relevé bancaire de son compte courant.
Elle ne verse pas au dossier le relevé de retraites qui aurait permis de mettre en évidence les éventuels sacrifices professionnels qu’elle aurait réalisés.
[Madame Y] soutient que [Monsieur X] s’est constitué un patrimoine immobilier pendant le mariage avec l’argent du ménage mais procède par affirmation. Or [Monsieur X] le conteste.
Les parties ne versent pas aux débats les fichiers FICOBA et FICOVIE permettant d’établir l’état de leur épargne.
L’opacité de la situation financière des parties et notamment celle relative à l’épargne de [Madame Y] ne permet pas au tribunal d’établir que la rupture du mariage crée une disparité dans les conditions de vie respectives.
En conséquence, [Madame Y] sera déboutée de sa demande de prestation compensatoire.
Sur l’usage du nom du conjoint :
Aux termes de l’article 264 du code civil, à la suite du divorce, chacun des époux reprend l’usage de son nom. Toutefois, l’un des époux pourra conserver l’usage du nom de l’autre soit avec l’accord celui ci, soit avec l’autorisation du juge, s’il justifie qu’un intérêt particulier pour lui ou pour les enfants ;
En l’espèce, [Madame Y] souhaite conserver l’usage du nom de son conjoint. [Monsieur X] ne s’y oppose pas.
En conséquence, le tribunal autorisera [Madame Y] a conserver l’usage de son nom d’épouse.
Sur le report des effets du divorce sur les biens dans les rapports entre époux :
Aux termes de l’article 262-1 du Code civil, le jugement de divorce prend effet, dans les rapports entre époux, en ce qui concerne leurs biens, dès la date de la demande en divorce. Cependant, les époux peuvent, l’un ou l’autre, demander que l’effet du jugement soit reporté à la date où ils ont cessé de cohabiter et de collaborer ;
Les parties ne formulent pas de demande sur ce point.
En conséquence le tribunal fixera la date d’effet du divorce entre les époux, quant à leurs biens, au 17 mai 2022.
Sur l’exécution provisoire
L’article 1074-1 du code de procédure civile dispose que « A moins qu’il n’en soit disposé autrement, les décisions du juge aux affaires familiales qui mettent fin à l’instance ne sont pas, de droit, exécutoires à titre provisoire. »
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
L’article 1127 du code de procédure civile dispose que les dépens de l’instance sont à la charge de l’époux qui en a pris l’initiative, à moins que le juge n’en dispose autrement.
En l’espèce il convient de laisser à chacun la charge de ses dépens et frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Le juge aux affaires familiales, statuant par mise à disposition au greffe, après débats hors la présence du public, par jugement contradictoire et susceptible d’appel,
PRONONCE le divorce pour altération définitive du lien conjugal sur le fondement des articles 237 et 238 du Code civil, de :
[Madame Y]
née le [Date de naissance Y], à [Ville Y]
et de
[Monsieur X]
né le [Date de naissance X]
mariés le [Date Mariage] à SAINTMAXIMIN LA SAINTE BEAUME (Var)
ORDONNE la mention du présent jugement dans les conditions énoncées à l’article 1082 du code de procédure civile, en marge de l’acte de mariage, de l’acte de naissance de chacun des époux et, en tant que de besoin, sur les registres du Service du ministère des Affaires Etrangères à Nantes ;
FIXE la date des effets du divorce entre époux, quant à leurs biens, au 17 mai 2022 ;
RAPPELLE que le divorce entraîne de plein droit la dissolution du régime matrimonial ;
DIT n’y avoir lieu d’ordonner la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux,
INVITE en tant que de besoin les parties à procéder à l’amiable aux opérations de compte, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux devant tout notaire de leur choix, et en cas de litige, à saisir le juge aux affaires familiales pour qu’il soit statué sur le partage judiciaire et ce, conformément aux dispositions des articles 1359 et suivants du code de procédure civile,
RAPPELLE qu’en l’absence de volonté contraire de l’époux qui les a consentis, le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux ainsi que des dispositions à cause de mort, accordées par l’un des époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l’union ;
DEBOUTE [Madame Y] de sa demande de condamnation de [Monsieur X] à lui verser une prestation compensatoire ;
DIT que [Madame Y] est autorisée à garder l’usage de son nom d’épouse, à savoir [X] ;
DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens et de ses frais irrépétibles ;
REJETTE toute demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER
LE JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES
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