Cour d’Appel d’Aix–en–Provence
Tribunal judiciaire de Toulon
Tribunal pour enfants
Jugement du : 15/02/2024
N° minute : 48/2024
N° parquet : 23347000093
JUGEMENT DU TRIBUNAL POUR ENFANTS
– examen de la culpabilité –
À l’audience du tribunal pour enfants du QUINZE FÉVRIER DEUX MILLE VINGT- QUATRE,
Composé de :
Président : [C1]
Assesseur: [C2]
Assesseur: [C3]
Assistés de [C4], greffière,
a été appelée l’affaire
ENTRE D’UNE PART:
Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, près ce tribunal, demandeur et poursuivant
ET
Parties civiles :
[Enfant X]
Représentée par [Madame X], agissant en qualité de représentant légal Comparante assistée de Maître POLITANO Jean–Baptiste, avocat au barreau de TOULON
[Madame X],
Comparante assistée de Maître POLITANO Jean–Baptiste, avocat au barreau de TOULON
[Monsieur X],
Comparant assisté de Maître POLITANO Jean–Baptiste, avocat au barreau de TOULON
ET D’AUTRE PART
[Enfant Y]
Antécédents judiciaires : jamais condamnée
comparante assistée de Maître BOUREKHOUM Ouahab avocat au barreau de TOULON
Prévenue du chef de :
HARCELEMENT SCOLAIRE: PROPOS OU COMPORTEMENTS REPETES AYANT POUR OBJET OU EFFET UNE DEGRADATION DES CONDITIONS DE VIE ALTERANT LA SANTE ET AYANT CONDUIT LA VICTIME AU SUICIDE OU A SA TENTATIVE
Faits commis du 4 septembre 2023 au 15 novembre 2023 à LA GARDE
prévus et réprimés par les articles ART.222-33-2-3 AL.1,AL.4, ART.222-33-2-2. AL.1,AL.2,AL.3,AL.4 C.PENAL, ART.222-33-2-3 AL.4, ART.222-44 C.PENAL
Représentant légal :
[Monsieur Y]
Représentant légal :
[Madame Y]
DEBATS
A l’appel de la cause, le président, a constaté la présence et l’identité de [Enfant Y].
Le président a donné connaissance de l’acte qui saisit le tribunal,
Le président a informé [Enfant Y] de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.
Le tribunal pour enfants a instruit l’affaire, interrogé [Enfant Y] présente, sur les faits et sa personnalité et reçu ses déclarations.
Le ministère public et les parties ont été en mesure de poser des questions.
[Enfant X] représentée par ses représentants légaux, [Madame X] et [Monsieur X] se sont constitués partie civile, à l’audience par dépôt de conclusions assistés de Maître POLITANO Jean–Baptiste, avocat au barreau de TOULON et ont été entendu en leurs demandes.
Le ministère public a été entendu en ses réquisitions.
L’avocat de [Enfant X] a été entendu en sa plaidoirie.
Maître BOUREKHOUM Ouahab, conseil de [Enfant Y] a été entendu en sa plaidoirie.
La prévenue a eu la parole en dernier.
Le greffier a tenu note du déroulement des débats.
MOTIFS
Le tribunal, après en avoir délibéré, a statué en ces termes, le jugement ayant été prononcé publiquement :
[Enfant Y] a été déférée le 13 décembre 2023 devant le procureur de la République qui lui a notifié par procès-verbal, en application des dispositions des articles L.423-4, L.423-6 à L.423-9, D.423-4, D.423-5 du code de la justice pénale des mineurs, qu’elle devait comparaître à l’audience du tribunal pour enfants, le 15 février 2024 aux fins d’être jugée.
Cette convocation vaut citation à personne, conformément à l’article L.423-8 du code de la justice pénale des mineurs.
Par ordonnance du 13 décembre 2023, le juge des enfants a prononcé une mesure éducative judiciaire provisoire à l’égard de [Enfant Y].
[Enfant Y] comparante, est prévenue d’avoir à LA GARDE, entre le 4 septembre 2023 et le 15 novembre 2023, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, étant étudiante ou exerçant une activité professionnelle au sein du même établissement scolaire, harcelé l’élève [Enfant X], par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale, en l’espèce notamment en l’insultant, en réalisant un montage photo ordurier avec l’image de la victime, en la dénigrant auprès de ses camarades de classe, lesdits faits ayant conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider. (NATINF 34575), faits prévus par les articles ART.222-33-2-3 AL.1,AL.4, ART.222- 33-2-2 AL.1,AL.2,AL.3,AL.4 C.PENAL, et réprimés par les articles ART.222-33-2-3 AL.4, ART.222-44 C.PENAL.
[Enfant Y] a comparu à l’audience; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.
SUR L’ACTION PUBLIQUE
– Sur la culpabilité,
Il résulte de la procédure et des débats que les faits de HARCELEMENT SCOLAIRE: PROPOS OU COMPORTEMENTS REPETES AYANT POUR OBJET OU EFFET UNE DEGRADATION DES CONDITIONS DE VIE ALTERANT LA SANTE ET AYANT CONDUIT LA VICTIME AU SUICIDE OU A SA TENTATIVE reprochés à [Enfant Y] sont établis ; il convient de l’en déclarer coupable;
– Sur la mise à l’épreuve éducative :
En raison de la nature des faits et de la personnalité de [Enfant Y], il convient d’ordonner l’ouverture d’une période de mise à l’épreuve éducative jusqu’à l’audience de prononcé de la sanction.
Le prononcé de la sanction est renvoyé à l’audience du tribunal pour enfants du 19 septembre 2024 à 08:30.
En application des dispositions de l’article L.521-9 du code de la justice pénale des mineurs, les parties absentes ou non représentées sont citées pour cette audience conformément aux dispositions des articles 550 à 566 du code de procédure pénale et les victimes en sont avisées.
SUR L’ACTION CIVILE concernant [Enfant X],
– Sur la recevabilité,
[Enfant X] représentée par [Madame X] et [Monsieur X] ès qualité de représentants légaux s’est constituée partie civile, à l’audience, assistée de son avocat sa demande est donc recevable en la forme.
– Sur la responsabilité,
[Enfant Y] déclaré coupable des faits de HARCELEMENT SCOLAIRE : PROPOS OU COMPORTEMENTS REPETES AYANT POUR OBJET OU EFFET UNE DEGRADATION DES CONDITIONS DE VIE ALTERANT LA SANTE ET AYANT CONDUIT LA VICTIME AU SUICIDE OU A SA TENTATIVE commis à l’encontre de [Enfant X], doit être déclaré entièrement responsable du préjudice subi par elle.
– Sur le fond et l’indemnisation
[Enfant X] représentée par [Madame X] et [Monsieur X] ès qualité de représentants légaux sollicite avant dire droit sur l’indemnisation la réalisation d’une expertise psychiatrique afin de permettre une évaluation du préjudice psychiatrique de [Enfant X].
[Enfant X] représentée par [Madame X] et [Monsieur X] ès qualité de représentants légaux sollicite à titre personnel la condamnation de [Enfant Y] in solidum avec [Madame Y] et [Monsieur Y] ès qualité de représentants légaux à payer à [Enfant X] représentée par ses représentants légaux
la somme de 5000 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de son entier préjudice
la somme de 2000 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale
Aux termes de l’article 2 du code de procédure pénale, l’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction. Ainsi, [Enfant X] ayant personnellement souffert du dommage directement issu de l’infraction objet de la procédure son action est recevable au fond.
Il convient de faire droit à la demande d’expertise et de confier la mission au médecin expert le Docteur [Docteur A] Anne dont la mission détaillée est exposée au dispositif et de condamner [Enfant Y] in solidum avec ses civilement responsable [Monsieur Y] et [Madame Y] à payer la provision de 3000 euros à la partie civile, [Enfant X] représentée par [Madame X] et [Monsieur X] ès qualité de représentants légaux et de condamner [Enfant Y] à payer la somme de 1000 euros à [Enfant X] au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.
L’examen des préjudices est renvoyé à l’audience d’intérêts civils se tenant devant le Tribunal pour enfants de Toulon le 19 septembre 2024 à 08h30.
SUR L’ACTION CIVILE concernant les représentants légaux de [Enfant X]
– Sur la recevabilité,
[Madame X] et [Monsieur X] ès qualité de représentants légaux de [Enfant X] se sont constitués partie civile, à l’audience, assistés de leur avocat leur demande est donc recevable en la forme.
– Sur le fond et l’indemnisation
[Madame X] et [Monsieur X] ès qualité de représentants légaux de [Enfant X] sollicitent avant dire droit sur l’indemnisation la réalisation d’une expertise judiciaire.
[Madame X] et [Monsieur X] ès qualité de représentants légaux de [Enfant X] sollicitent à titre personnel la condamnation de [Enfant Y] in solidum avec [Madame Y] et [Monsieur Y] ès qualité de représentants légaux à leur payer la somme de 2000 euros, chacun, à titre de provision à valoir sur l’indemnisation définitive de leur préjudice par ricochet
la somme de 1000 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale
Il convient de rejeter la demande d’expertise judiciaire ainsi que les demandes provisionnelles présentées par [Madame X] et [Monsieur X] ès qualité de représentants légaux de [Enfant X].
PAR CES MOTIFS
Le tribunal pour enfants, statuant publiquement et en premier ressort, par jugement contradictoire à l’égard de [Enfant Y], [Monsieur Y], [Madame Y]
par jugement contradictoire à l’égard de [Enfant X], [Madame X], [Monsieur X]
SUR L’ACTION PUBLIQUE,
Déclare [Enfant Y] coupable d’avoir à LA GARDE, entre le 4 septembre 2023 et le 15 novembre 2023, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, étant étudiante ou exerçant une activité professionnelle au sein du même établissement scolaire, harcelé l’élève [Enfant X], par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale, en l’espèce notamment en l’insultant, en réalisant un montage photo ordurier avec l’image de la victime, en la dénigrant auprès de ses camarades de classe, lesdits faits ayant conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider. (NATINF 34575), faits prévus par les articles ART.222-33-2-3 AL.1,AL.4, ART.222-33-2-2 AL.1,AL.2,AL.3,AL.4 C.PENAL, et réprimés par les articles ART.222-33-2-3 AL.4, ART.222-44 C.PENAL
Ordonne l’ouverture d’une période de mise à l’épreuve éducative;
Ordonne le renvoi du prononcé de la sanction à l’audience du tribunal pour enfants du 19 septembre 2024 à 08h30.
SUR L’ACTION CIVILE,
Reçoit la constitution de partie civile de [Enfant X] représentée par [Madame X] et [Monsieur X] ès qualité de représentants légaux ;
Ordonne une expertise psychiatrique aux fins d’évaluation des préjudices de [Enfant X] et confie la mission d’expertise au Docteur [Docteur A], médecin assermenté, inscrit sur la liste des Experts près la Cour d’appel d’Aix en Provence, lequel aura pour mission, après avoir recueilli les renseignements nécessaires sur l’identité de la victime et sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son niveau scolaire s’il s’agit d’un enfant ou d’un étudiant, son statut et/ou sa formation s’il s’agit d’un demandeur d’emploi,
son mode de vie antérieur à l’accident et sa situation actuelle,
– déterminer si l’examen psychiatrique de la victime révèle des anomalies mentales ou psychiques et le cas échéant, les décrire et préciser à quelles affections elles se rattachent,
dans l’hypothèse de troubles psychiatriques avérés, bien vouloir préciser si ces troubles ont évolué dans le temps afin de déterminer depuis quelle date elle souffrait de ces anomalies,
– préciser notamment si au moment des faits, des troubles graves affectant la partie civile étaient de nature à la rendre particulièrement vulnérable aux agissements de tiers,
– faire toutes observations utiles,
Dit que l’expert fera connaître sans délai son acceptation, qu’en cas de refus ou d’empêchement légitime, il sera pourvu aussitôt à son remplacement;
Donne délégation au magistrat chargé du contrôle des expertises pour en suivre les opérations et statuer sur tous incidents;
Fixe à 840 euros le montant de la consignation à valoir sur les honoraires de l’expert;
Dit que cette somme devra être versée au régisseur de ce tribunal, dans le délai d’un mois après la notification de la présente décision;
Rappelle qu’à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis, la désignation de l’expert sera caduque (article 272 du code de procédure civile);
Dit que l’expert commencera ses opérations dès qu’il sera averti par le greffe que les parties ont consigné la provision mise à leur charge ou le montant de la première échéance;
Dit que l’expert pourra s’adjoindre tout spécialiste de son choix dans une autre spécialité que la sienne à charge pour lui de solliciter une consignation complémentaire couvrant le coût de sa prestation et de joindre l’avis du sapiteur à son rapport; dit que si le sapiteur n’a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l’expert ;
Dit que l’expert pourra s’entourer de tous renseignements utiles auprès notamment de tout établissement hospitalier où la victime a été traitée sans que le secret médical ne puisse lui être opposé;
Dit que l’expert rédigera, au terme de ses opérations un pré rapport qu’il communiquera aux parties en les invitant à présenter leurs observations dans un délai maximum d’un mois ;
Dit qu’après avoir répondu de façon appropriée aux éventuelles observations formulées dans le délai imparti ci-dessus, l’expert devra déposer au greffe, un rapport définitif en double exemplaire dans un délai de 3 mois à compter de la notification de la présente décision;
Rappelle que l’article 173 du code de procédure civile fait obligation à l’expert d’adresser copie du rapport à chacune des parties, ou pour elles à leur avocat ;
Condamne [Enfant Y] in solidum avec ses civilement responsable, [Monsieur Y] et [Madame Y], à payer à [Enfant X], représentée par ses représentants légaux, la somme de 3000 euros (trois mille euros) à titre de provision; Condamne [Couple Y] à payer à [Enfant X], représentée par ses représentants légaux, la somme de 1000 euros (mille euros) au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale;
Donne acte de la mise en cause de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du VAR;
Renvoie l’affaire à l’audience sur intérêts civils devant le Tribunal pour enfants du 19 septembre 2024 à 08h30.
Reçoit en la forme la constitution de partie civile de [Madame X] et [Monsieur X] en qualité de représentants légaux de [Enfant X] ;
Rejette la demande d’expertise et les demandes provisionnelles formées par [Madame X] et [Monsieur X] en qualité de représentants légaux de [Enfant X] ;
Informe la prévenue présente à l’audience de la possibilité pour la partie civile, non mydia aéligible à la CIVI, de saisir le SARVI, si elle ne procède pas au paiement des dommages intérêts auxquels elle a été condamnée dans le délai de 2 mois à compter du jour où la décision est devenue définitive;
Le présent jugement a été signé par le président et par la greffière.
LA GREFFIERE
LE PRESIDENT
Cabinet Politano Avocats – Intervention en Droit Civil et Droit Pénal devant les tribunaux de Aix-en-Provence, Digne-les-Bains, Draguignan, Grasse, Marseille, Nice, Tarascon et Toulon