TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULON
ORDONNANCE DE REFERE
du : 31 Mai 2024
N° RG 24/00523 – N° Portalis DB3E-W-B7I-MQ4Z
Président : [C1], Vice-présidente
Assistée de : [C2], Greffier
Entre
DEMANDEUR
Le Syndicat des copropriétaires de la Résidence [Résidence Y], dont le siège social est sis [Adresse Y], prise en la personne de son Syndic [Syndic Y], dont le siège social est sis [Adresse Y2], prise en la personne de son représentant légal
Représenté par Me Jean-baptiste POLITANO, avocat au barreau de TOULON (droit immobilier)
et
DEFENDEUR
La SCI [Entreprise X], dont le siège social est sis [Adresse X] ,prise en la personne de son représentant légal
Non comparante et non représentée
Débats:
Après avoir entendu à l’audience du 19 Avril 2024, les parties comparantes ou leurs conseils, le président les a informés que l’affaire était mise en délibéré et que l’ordonnance serait rendue ce jour par mise à disposition au greffe.
EXPOSE DU LITIGE
Il existe au [Adresse Y] un ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété dénommé [Résidence Y], au sein duquel la SCI [Entreprise X] est propriétaire d’un lot n°57 situé dans le bâtiment A.
Lors de l’assemblée générale du 26 août 2019, les copropriétaires devaient se prononcer dans le cadre d’une résolution n°20 sur l’autorisation à donner à la SCI [Entreprise X], représentée par [Madame X], pour l’installation d’une pergola couverte en bois recouvrant la totalité de sa terrasse suivant son courrier joint.
Le 27 avril 2023, une mise en demeure a été adressée à la SCI [Entreprise X] par le syndic de l’immeuble aux fins d’obtenir la communication des autorisations administratives délivrées pour l’installation réalisée au-delà de l’autorisation donnée.
Par courrier daté du 17 juillet 2023, le syndic a demandé à la SCI [Entreprise X] de régulariser la non conformité de sa déclaration de travaux n° [DP X] au motif que celle-ci est à l’origine de l’opposition de la mairie à la déclaration préalable de travaux de ravalement de façade de l’immeuble.
Par courrier du 22 juillet 2023, la SCI [Entreprise X] a répondu avoir adressé au service de l’urbanisme une DPE de mise en conformité.
Par acte signifié à domicile le 26 septembre 2023, le syndic a mis en demeure la SCI [Entreprise X] de démonter sa construction dans le délai d’un mois en raison de sa non conformité à l’autorisation votée en assemblée générale des copropriétaires le 26 août 20219 (résolution n°20).
Dans un courrier daté du 28 septembre 2023, la SCI [Entreprise X] a indiqué à la société [Entreprise Z], chargée des travaux de ravalement de façade de l’immeuble, qu’elle s’excusait pour le contretemps résultant de la non conformité des travaux privatifs sur sa terrasse, mais que la mairie ayant validé depuis le projet sans réserve (DPE du 26 juillet 2023 N°DP [DP X]) elle souhaitait un devis pour la réalisation, par la société [Entreprise Z], des “travaux complémentaires de ravalement sur les deux faces ajoutées à l’Est et à l’Ouest sur la terrasse de l’appartement, soit les deux pignons de 3,50mx1,50m percés de fenêtres coulissantes”.
Le syndicat des copropriétaires a fait constater par commissaire de justice le 16 novembre 2023 les travaux réalisés.
Par courrier dont elle a accusé réception le 29 novembre 2023, la SCI [Entreprise X] a été mise en demeure une nouvelle fois de procéder à la démolition des constructions au motif d’un défaut d’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires au visa de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965.
Par acte signifié le 29 février 2024, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Résidence Y] a fait citer la SCI [Entreprise X] devant le juge des référés au visa des articles 1240 du code civil, 835 du code de procédure civile et 25b de la loi du 10 juillet 1965 aux fins
de :
CONSTATER la présence d’un trouble manifestement illicite,
A titre principal,
ORDONNER la destruction totale de l’ouvrage réalisé par la SCI [Entreprise X] sous astreinte de 100 € par jour de retard dans le délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir, A titre subsidiaire,
ORDONNER à la SCI [Entreprise X] de mettre en œuvre les travaux conformément à la résolution n° 20 de la délibération de l’assemblée générale du 26.08.2019 dans un délai d’UN MOIS à compter de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour passé ce délai ; En tout état de cause,
JUGER que la charge de la preuve de la destruction ou de la bonne exécution des travaux incombera à la SCI [Entreprise X]
CONDAMNER la SCI [Entreprise X] a payé au syndicat des copropriétaires de la copropriété « [Résidence Y] » la somme provisionnelle de 2.000 € en réparation du préjudice moral subi par elle,
CONDAMNER la SCI [Entreprise X] a payé au syndicat des copropriétaires de la copropriété « [Résidence Y] » la somme de 1.800 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNER la SCI [Entreprise X] à supporter les entiers dépens de l’instance.
Il y exposait que la construction d’un volume fermé et d’une terrasse au-dessus du lot détenu par la SCI [Entreprise X] constitue un trouble manifestement illicite pour ne pas correspondre à l’autorisation donnée par le syndicat des copropriétaires et engendrerl’impossibilité de réaliser le ravalement de façade souhaité et payé en l’état de l’irrégularité de ces travaux au regard des dispositions du code de l’urbanisme. Il ajoutait que ces travaux irréguliers lui font subir un risque de perte des fonds versés à la société mandatée par le ravalement de la façade en cas de liquidation de celle-ci.
A l’audience du 19 avril 2024, le syndicat des copropriétaires de la copropriété « [Résidence Y] » a sollicité le bénéfice de son acte introductif d’instance.
La SCI [Entreprise X], régulièrement citée par acte déposé à Etude, n’a pas constitué avocat, ni comparu.
La décision sera réputée contradictoire.
MOTIFS
Sur la demande de démolition de l’ouvrage ou de mise en conformité
Selon l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Aux termes de l’article 25b de la loi du 10 juillet 1965 “Ne sont adoptées qu’à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant […] b) L’ autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, et conformes à la destination de celui-ci”.
En l’espèce, il n’est pas contesté que lors de l’assemblée générale des copropriétaires tenue le 26 août 2019, la SCI [Entreprise X], copropriétaire au bâtiment A du lot n°57, a été autorisée “à effectuer, à ses frais exclusifs, les travaux d’installation d’une pergola couverte en bois recouvrant la totalité de sa terrasse, conformément au projet joint, travaux qui devront être conformes à la destination de l’immeuble et sous réserve de :
-se conformer à la réglementation en vigueur et fournir au syndic toutes les autorisations administratives requises,
-faire effectuer les travaux dans le respect des règles de l’art et à ses frais, sous contrôle de l’architecte de l’immeuble,
-souscrire toute police d’assurance nécessaire à la couverture des risques aux tiers, au syndicat des copropriétaires et à l’ouvrage,
-se conformer aux dispositions du règlement de copropriété”.
Il est constaté que le “projet joint” qui a été soumis au vote n’est pas versé aux débats.
Les seuls plans fournis sont ceux du complément à la DPE 083 069 19 Y 0183 adressé par la SCI [Entreprise X] dans son courrier du 22 juillet 2023 mentionnant le projet de 2019 d’une pergola à toit plat ouverte partiellement côté Nord- Ouest en lieu et place d’une véranda avec extension sur la surface totale de la terrasse, ayant finalement donné lieu à fermeture totale, création d’une surface de plancher, et installation d’une fenêtre, d’un moteur de climatisation et d’un garde-corps avec poteaux justifiant le dépôt d’une déclaration complémentaire en mairie.
Il ressort de la comparaison de la photographie versée aux débats issue de Google street view (non datée) aux photographies annexées au constat dressé le 16 novembre 2023 par commissaire justice que les parois vitrées qui venaient précédemment prendre appui sur le garde-corps maçonné de la terrasse du lot n°57 appartenant à la SCI [Entreprise X] ont été effectivement remplacées par un mur maçonné incluant une fenêtre et un fenestron, et que le toit revêtu de tuiles qui abritait avant cette terrasse a été remplacé par un toit terrasse sur lequel ont été implantés un garde corps constitué de câbles arrimés à des poteaux ainsi qu’une douche extérieure, ce qui suppose la création d’une surface de plancher.
Dan s son courrier du 28 septembre 2023, la société [Entreprise X] a pu confirmer la nature des travaux réalisés qu’elle décrit comme ayant conduit à l’ajout de “ deux faces à l’Est et à l’Ouest sur la terrasse de l’appartement, soit les deux pignons de 3,50mx1.50m, percés de fenêtres coulissantes”.
A l’évidence, il ne s’agit pas uniquement d’une pergola couverte en bois venant recouvrir la totalité de sa terrasse tel que cela avait été autorisé par l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble [Résidence Y] le 26 août 2019 dans le cadre du vote de la résolution n°20.
La SCI [Entreprise X], qui ne comparaît pas dans le cadre de la présente instance, ne vient pas justifier d’une autre autorisation des copropriétaires de l’immeuble obtenue dans les conditions prévues par l’article 25 b de la loi du 10 juillet 1965 pour les travaux ressortant du constat du 16 novembre 2023 et des plans soumis aux services de l’urbanisme en juillet 2023, alors même qu’ils affectent manifestement l’aspect extérieur de l’immeuble pour en modifier la façade.
Par ailleurs, si dans son courrier précité du 28 septembre 2023 la SCI [Entreprise X] a pu indiquer que “la mairie a validé le projet sans réserve (DPE du 26 juillet 2023 n° DP n°[DP X])”, le syndicat des copropriétaires établit, par la production d’un extrait du site internet du service de l’urbanisme de la commune de [Ville 1], que le dossier déposé par la SCI [Entreprise X] sous cette référence a fait l’objet d’une décision de rejet implicite le 22 novembre 2023.
Ainsi, la non conformité dont les parties indiquent dans leurs correspondances respectives qu’elle fait obstacle à la réalisation des travaux de ravalement de façade de l’immeuble n’apparaît pas avoir été régularisée.
La SCI [Entreprise X] ne démontre aucune diligence en cours auprès des copropriétaires de l’immeuble pour obtenir leur accord sur les travaux réalisés au-delà de l’autorisation donnée le 26 août 2019.
Ces travaux, entrepris en violation des dispositions de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965, causent un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser.
Par conséquent, la SCI [Entreprise X] est condamnée à remettre en état les lieux conformément au projet soumis au vote lors de l’assemblée générale des copropriétaires le 26 août 2019 (résolution n°20) et à la DP n°083 069 19 y 0183 pour laquelle il n’y avait pas eu d’opposition de la mairie en 2019.
Afin d’en assurer l’effectivité, cette condamnation sera assortie d’une astreinte dont les modalités seront précisées au dispositif de la présente décision.
Sur l’octroi d’une provision
Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse Y] réclame la condamnation de la SCI [Entreprise X], à titre provisionnel, à la somme de 2000 euros en réparation des préjudices qu’il subit.
En vertu de l’article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut accorder une provision au créancier dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.
Le montant de la provision devant être allouée au demandeur ne peut excéder le montant d’indemnisation au-delà duquel celui-ci devient aléatoire ou incertain compte tenu de l’appréciation du juge du fond notamment.
En l’espèce, le syndicat des copropriétaires expose que l’impossibilité dans laquelle il se trouver de réaliser le ravalement de façade souhaité et réglé compte tenu de l’irrégularité de la construction réalisée par la SCI [Entreprise X] engendre un risque de perte des fonds si la société mandatée venait à disparaître ou faire l’objet d’une procédure collective.
Ce préjudice, purement hypothétique, ne permet pas de justifier à l’encontre de la partie défenderesse d’une créance reposant sur une obligation non sérieusement contestable permettant de faire droit à la demande de provision.
Il n’y a donc lieu à référé de ce chef.
Sur les frais du procès
Succombant dans la présente instance, la SCI [Entreprise X] assumera la charge des dépens conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
L’équité commande de condamner la SCI [Entreprise X] à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Résidence Y] à la somme de 1.800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le juge des référés statuant publiquement par ordonnance réputée contradictoire susceptible d’appel, mise à disposition au greffe les parties préalablement avisées,
Condamne la SCI [Entreprise X] à remettre en état son lot n°57 conformément au projet soumis au vote de l’assemblée générale des copropriétaires le 26 août 2019 (résolution n°20) et à la DP n°083 069 19 y 0183, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard courant à l’expiration d’un délai de trois mois suivant la signification de la présente décision et pour une durée de six mois,
Dit n’y avoir lieu à l’octroi de la provision réclamée par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse Y] ,
Condamne la SCI [Entreprise X] aux dépens du référé,
Condamne la SCI [Entreprise X] à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Résidence Y] sis [Adresse Y] la somme de 1.800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au Greffe des référés du Tribunal judiciaire de TOULON, les jour, mois et an susdits
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT