REPUBLIQUE FRANÇAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULON
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° Minute: 24/00689
POLE SOCIAL
N° RG 23/01019 N° Portalis DB3E-W-B7H-MGMT
JUGEMENT DU 28 MAI 2024
Jugement du Pôle social du Tribunal judiciaire de Toulon en date du vingt huit mai deux mil vingt quatre
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 29 mars 2024 devant :
Monsieur [C1], Président du Pôle social
Madame [C2], membre assesseur représentant les travailleurs salariés du régime général, présent
Monsieur [C3], membre assesseur représentant les travailleurs non salariés du régime général, présent
assistés de Monsieur [C4], Faisant fonction de greffier
A l’issue des débats le président a indiqué que le jugement, après qu’ils en aient délibéré conformément à la loi, serait rendu par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024
Signé par Monsieur [C1], Président du Pôle social et Monsieur [C4], Faisant fonction de greffier présent lors du prononcé.
EN LA CAUSE
[Madame X] et [Monsieur X]
[Adresse X]
représentés par Me Jean–baptiste POLITANO, avocat au barreau de TOULON,
CONTRE
MDPH DU VAR
293 Route de la Seyne/S Mer
CS 70057 – TECHN.VAR MATIN–BATL/G
83192 OLLIOULES CEDEX
représentée par Madame Fédérica BAROZZI, munie d’un pouvoir.
EXPOSE DU LITIGE
Par requête du 23 juin 2023, [Monsieur X] et [Madame X] ont formé un recours devant le Pôle social du tribunal judiciaire à l’encontre de la décision de la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH) du Var en date du 12 mai 2023, ayant statué après recours amiable sur la situation de prise en charge du handicap de leur enfant mineur [Enfant X] né le [Date de naissance X] au titre de leur demande du 19 janvier 2023.-
Par Ordonnance de mise en état en date du 9 octobre 2023, le Pôle social du tribunal a ordonné une mesure de consultation médicale.
Le Docteur Anne–Marie COSENZA–LE GLOANNEC désignée à cette fin a établi un rapport le 1 décembre 2023 dans lequel elle considère que le taux d’incapacité de l’enfant est compris entre 50 % et 79 %.
[Monsieur X] et [Madame X] en qualité de représentants légaux de leur enfant [Enfant X] représentés par leur avocat sollicitent l’ouverture d’un droit à l’AEEH et de son complément catégorie 2 en considérant que le taux d’incapacité est supérieur à 50%.
Ils sollicitent la mise en place d’une AESH individuelle de 12 heures par semaine. Ils demandent une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) du VAR demande la confirmation de la décision de rejet de la CDAPH en considérant que le taux d’incapacité est inférieur à 50 % et que des adaptations pédagogiques avec une scolarisation en milieu ordinaire sont suffisantes.
MOTIFS
[Monsieur X] et [Madame X] ont formé le 19 janvier 2023 une demande de prise en charge du handicap de leur enfant [Enfant X] né le [Date de naissance X].
La Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH) du Var a dans sa décision en date du 12 mai 2023 a pris en compte l’évaluation du taux d’incapacité inférieur à 50% pour refuser l’AEEH et son complément. Elle a également refusé le maintien d’une aide humaine.
Sur l’Allocation d’Education de l’Enfant Handicapé.
Il convient de considérer au regard des pièces médicales produites et des conclusions du médecin consultant désigné par le tribunal que le taux d’incapacité de l’enfant [Enfant X] est compris entre 50 % et 79% à la date de la demande de prise en charge du 19 janvier 2023. Il est établi que le handicap de l’enfant est compensé grâce à un suivi important des parents et des professionnels de santé.
Il est produit un nouveau certificat médical du [Docteur P] pédopsychiatre qui précise les répercutions importantes du handicap de l’enfant dans la vie quotidienne.
Il y a lieu de considérer que [Monsieur X] et [Madame X] sont bien fondés dans leur recours à l’encontre de la décision de la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH) du Var en date du 12 mai 2023 concernant l’enfant [Enfant X].
Il convient dès lors d’ouvrir pour l’enfant [Enfant X] un droit à l’Allocation d’Education de l’Enfant handicapé et ce pour une durée de 2 ans à compter du premier jour du mois suivant le dépôt de la demande du 19 janvier 2023, soit du 1 février 2023 au 31 janvier 2025.
Il y a lieu de renvoyer les demandeurs auprès de la MDPH pour la régularisation de la situation auprès de l’organisme payeur pour un rappel des arriérés de cette allocation.
Sur le complément à l’AEEH.
L’article R.541-2 du code de la sécurité sociale fixe le montant du complément d’AEEH au moyen d’un guide d’évaluation défini par l’arrêté du 29 mars 2002 en six catégories. L’importance de la contrainte pour l’exercice de l’activité professionnelle des parents ou les obligeant à avoir recours à une tierce personne, est appréciée au regard de la nature ou de la gravité du handicap de l’enfant, en prenant en compte les justificatifs produits notamment des dépenses et aussi en fonction des modalités de la prise en charge de l’enfant.
Dans leurs conclusions [Monsieur X] et [Madame X] font état qu’ils travaillent chacun à 80% sans toutefois justifier que cette situation est en relation avec l’évolution du handicap de leur enfant.
Il résulte des éléments du dossier que [Enfant X] a nécessité un suivi dès son plus jeune âge, mais a été scolarisé à plein temps.
Le handicap de l’enfant n’a été reconnu qu’après l’entrée au collège et l’enfant n’est reconnu atteint d’un handicap ouvrant droit à l’AEEH et à son complément qu’au titre de la demande administrative du 19 janvier 2023 alors que l’enfant est alors âgé de 15 ans.
Les demandeurs ne justifient pas non plus dans le cadre de leur recours du chiffrage des dépenses engagées et restant à charge en lien avec le suivi du handicap de leur enfant.
Par conséquent [Monsieur X] et [Madame X] ne justifient pas des conditions requises pour ouvrir droit à l’un des compléments de cette allocation et ne sont pas fondés dans leur demande de complément d’AEEH.
Sur l’orientation scolaire.
L’article L114-1-1 du code de l’action sociale et des familles définit le droit à la compensation du handicap.
L’équipe pluridisciplinaire de la Maison Départementale des Personnes Handicapées évalue les besoins de compensation de la personne handicapée et son incapacité permanente sur la base de son projet de vie et de références définies par voie réglementaire, et propose un plan personnalisé de compensation du handicap visé à l’article L. 146-8 du Code de l’action sociale et des familles.
Le Projet Personnalisé de Scolarisation prévu par l’article L112-2 du Code de l’éducation constitue un élément du plan de compensation du handicap. Ce projet défini par les dispositions des articles D351-5 et D351-6 du Code de l’éducation est élaboré par l’équipe pluridisciplinaire après qu’elle ait pris connaissance du projet de formation de l’élève et du déroulement de sa scolarité. Ce PPS qui doit être actualisé une fois par an est déterminé à partir du GEVA–Sco (Guide d’Evaluation des besoins de compensation en matière de Scolarisation) renseigné par l’équipe éducative dans le cadre du dialogue avec les représentants légaux de l’élève susceptible d’être en situation de handicap.
La Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées est compétente ensuite pour se prononcer sur l’orientation de l’enfant handicapé et les mesures propres à assurer son insertion scolaire et sociale et notamment l’attribution d’une aide humaine et d’un matériel pédagogique, en précisant les domaines d’intervention et la durée préconisée de l’aide humaine.
L’aide individuelle et l’aide mutualisée mentionnées à l’article L351-3 du code de l’éducation est accordée aux élèves handicapés lorsque la restriction de son autonomie constitue un obstacle à sa participation aux activités scolaires mais ne doit pas aboutir à constituer un frein vers cette autonomie.
L’article D351-16-2 du code de l’éducation dispose:
L’aide mutualisée est destinée à répondre aux besoins d’accompagnement d’élèves qui ne requièrent pas une attention soutenue et continue.
Lorsqu’elle accorde une aide mutualisée, la commission mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles définit les activités principales de l’accompagnant.
L’article D351-16-4 du code de l’éducation dispose: L’aide individuelle a pour objet de répondre aux besoins d’élèves qui requièrent une attention soutenue et continue, sans que la personne qui apporte l’aide puisse concomitamment apporter son aide à un autre élève handicapé. Elle est accordée lorsque l’aide mutualisée ne permet pas de répondre aux besoins d’accompagnement de l’élève handicapé. Lorsqu’elle accorde une aide individuelle, dont elle détermine la quotité horaire, la commission susmentionnée définit les activités principales de l’accompagnant.
Pour l’attribution d’une aide humaine et matérielle il est tenu compte des besoins et de l’environnement dans lequel évolue l’élève et notamment des moyens déjà mis en oeuvre dans le cadre de la scolarisation.
Cette appréciation s’effectue à partir des pièces produites dans le cadre de la demande de prise en charge et essentiellement du GEVASCO établi par l’équipe éducative.
La CDAPH dans sa décision du 12 mai 2023 a maintenu l’orientation scolaire de l’enfant [Enfant X] en milieu ordinaire avec matériel pédagogique.
L’équipe pluridisciplinaire considère que le handicap de l’enfant ne justifie pas une aide humaine à la scolarité.
L’enfant atteint de troubles est scolarisé en classe ordinaire. Au moment de la demande de prise en charge il est scolarisé en classe de 3o au collège de [Ville X].
Il est produit le GEVASCO du 14 novembre 2022. L’enfant a de bons résultats scolaires grâce à la mise en place d’aménagements pédagogiques et d’une AESH mutualisée 9 heures par semaine.
L’équipe éducative considère que l’enfant travaille sur la plupart des matières en autonomie sans montrer un besoin réel de l’AESH et travaille avec facilité avec l’ordinateur. Il semble subsister quelques difficultés lors de certaines évaluations et lorsqu’il y a beaucoup d’informations écrites simultanées.
Le certificat médical initial du [Docteur F] préconise une augmentation du nombre d’heure d’AESH.
[Madame D] psychomotricienne dans son bilan d’octobre 2022 renvoie pour l’évaluation des aménagements à une discussion avec l’équipe pédagogique.
[Madame K] ergothérapeute dans son bilan du 4 novembre 2022 préconise le maintien de l’AESH pour les difficultés motrices et graphiques.
Seule [Madame R] psychologue évoque un besoin d’un temps individuel d’AESH suffisant.
Il est produit un nouveau certificat médical du [Docteur F] en date du 8 avril 2023 qui confirme le besoin de présence d’une AESH.
L’examen des pièces sur la situation de l’enfant [Enfant X] au regard de son handicap fait apparaître la nécessité du recours à une aide humaine dans le cadre scolaire sans qu’il soit démontré en l’état des seules éléments produits que cette aide doit être soutenue et continue.
Compte tenu de l’âge de l’enfant et de la nécessité d’adapter les mesures prises à l’évolution de l’enfant il y a lieu d’ouvrir judiciairement un droit sur une période limitée afin de permettre à terme une nouvelle évaluation en fonction de l’orientation.
L’aide mutualisée doit être fixée afin d’aider l’enfant dans ses apprentissages et ses déplacements dont le détail sera fixé par un Projet Personnalisé de Scolarisation et avec l’école dans le cadre des dispositions des articles D 351-16-2 et D 351-16-3 du code de l’éducation et de l’organisation à mettre en place par l’Education Nationale en application de l’article L351-3 du code de l’éducation.
Dès lors, il convient de d’accorder une aide mutualisée à [Enfant X] par un accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH) pour deux années à compter du jugement, soit l’année en cours 2023/2024 et l’année scolaire 2024/2025, la présente décision substituant son appréciation à celle de la CDAPH dans le cadre du recours judiciaire ouvert contre cette décision.
Il convient de renvoyer [Monsieur X] et [Madame X] auprès de la MDPH du Var pour la régularisation de leurs droits conformément à la présente décision afin de parvenir à une nouvelle notification en ce sens à l’Education Nationale afin d’étudier une possibilité concrète de mise en place d’une AESH mutualisée.
Il n’apparaît pas équitable de prononcer une condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant d’un recours ouvert contre une décision administrative souveraine en matière d’ouverture de droits à une aide sociale à partir de l’appréciation évolutive d’éléments déclaratifs.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant par Jugement mis à la disposition des parties, contradictoire, et en premier ressort,
DECLARE recevable et partiellement fondé le recours de [Monsieur X] et [Madame X] à l’encontre de la décision de la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées du Var en date du 12 mai 2023;
FIXE le taux d’incapacité de l’enfant [Enfant X] compris entre 50% et 79% à compter du 19 janvier 2023;
CONSIDERE que [Monsieur X] et [Madame X] peuvent prétendre à une AEEH pour l’enfant [Enfant X] pour la période du 1 février 2023 jusqu’au 31 janvier 2025;
DEBOUTE [Monsieur X] et [Madame X] de leur demande au titre du complément d’AEEH;
OUVRE à l’enfant [Enfant X] un droit à une AESH mutualisée pour deux années scolaires à compter du jugement, soit jusqu’au 31 août 2025;
RENVOIE [Monsieur X] et [Madame X] devant la MDPH pour la liquidation de leurs droits conformément à la présente décision;
DEBOUTE [Monsieur X] et [Madame X] de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
LAISSE les dépens à la charge de chacune des parties.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe du Pôle social du Tribunal judiciaire de Toulon le 28 mai 2024.
LE GREFFIER
LE PRESIDENT