Politano Avocat – Barreau de Toulon

Le sort du bail commercial en cas d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du locataire

CABINET POLITANO AVOCATS
Maitre Jean Baptiste POLITANO, Avocat au barreau de TOULON,
Avocat expérimenté en droit des affaires, droit commercial, fonds de commerce et droit au bail. 

Cet article va s’intéresser principalement sur le sort du bail commercial en cas d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de son locataire. 

SORT DU BAIL COMMERCIAL EN CAS DE PROCÉDURE COLLECTIVE DU LOCATAIRE

L’ouverture d’une procédure collective à l’égard du locataire commercial entraine des conséquences juridiques et en particulier sur l’exécution et le sort des contrats en cours et donc de facto : du bail commercial.

Pour le locataire soumis à la Procédure collective, le contrat de bail n’est pas un contrat comme les autres dans la mesure où il représente un actif susceptible d’être cédé pour désintéresser ses créanciers. Il constitue un actif que le liquidateur mentionne dans son rapport. 

Pour le bailleur, le bail commercial constitue un élément de valorisation directe de son patrimoine, dont il entend conserver la maîtrise.

Le plus souvent, dans cette situation, le bailleur veut récupérer le bail commercial et recevoir le paiement de ses loyers commerciaux, or, en cas de procédure collective, le locataire a souvent arrêté de payer ses loyers. 

Face à cette situation, le sort du bail commercial devient un enjeu crucial qui est réglé par une articulation complexe entre le droit des procédures collectives et le statut particulier des baux commerciaux.

Plusieurs questions vont être abordées. 

  1. Les effets de la procédure collective sur le bail
  2. L’option de poursuivre ou non le bail
  3. Le bail peut-il être résilié après avoir été initialement poursuivi ?

1. Les effets de la procédure collective sur le bail

LE BAIL PEUT-IL ÊTRE RÉSILIÉ EN RAISON DE LA PROCÉDURE COLLECTIVE DU PRENEUR ?

La sauvegarde, le redressement ou la liquidation judiciaire n’entraînent pas la résiliation de plein droit du bail commercial (C. com., art. L. 622-13, L. 631-14 et L. 641-11-1).

Cette règle est d’ordre public, de sorte que toute clause contraire disposant que la clause résolutoire serait acquise de plein droit pour survenance de la sauvegarde, du redressement ou de la liquidation judiciaire du preneur, serait réputée non écrite.

LE BAILLEUR PEUT-IL AGIR EN RÉSILIATION DU BAIL POUR DÉFAUT DE PAIEMENT DE CRÉANCES ÉCHUES ANTÉRIEUREMENT AU JUGEMENT D’OUVERTURE ?

En vertu du principe d’égalité de traitement des créanciers, le jugement ouvrant une procédure collective à l’encontre du locataire engendre pour le bailleur une interdiction d’engager ou de poursuivre toute action individuelle (C. com., art. L. 622-21) :

Ainsi la procédure à suivre est la suivante : 

Procéder à une déclaration de créance du bailleur commercial en recouvrement de loyers et charges échus antérieurement au jugement d’ouverture (C. com., art. L. 622-7). 

Les créanciers du locataire défaillant ne peuvent plus être payés après l’ouverture d’une procédure collective au titre de leurs créances dites « antérieures » et doivent procéder à la déclaration de leurs créances (2 mois à compter de la publication au BODACC) (C. com., art. L. 622-24) ;

À noter aussi que cela vaut également en cas de placement du preneur sous sauvegarde de justice. (Civ. 3e, 13 avr. 2022, no 21-15.336).

Pendant la période d’observation, le bailleur ne peut davantage poursuivre les garants ou coobligés de son preneur. 

Il peut néanmoins prendre des mesures conservatoires à leur encontre (C. com., art. L. 622-28, al. 2). Cela passe par des saisies conservatoires (requête + ordonnance)

Mise en garde 

Le principe de l’arrêt de l’action en résiliation du bail s’apprécie en fonction de l’état d’avancement de la procédure initiée par le bailleur, au jour du jugement d’ouverture.

Si au jour du jugement d’ouverture :

  • Le bailleur dispose d’une décision de justice constatant l’acquisition de la clause résolutoire du bail, passée en force de chose jugée, la résiliation du bail est acquise et pleinement opposable aux organes de la procédure collective du preneur, qui ne peuvent notamment plus s’opposer à l’expulsion du débiteur (Com. 12 juin 1990, no 88-19.808 ; Civ. 3e, 17 mai 2011, no 10-15.957 ; Montpellier 5e ch. A, 10 mai 2007, Rev. proc. coll. 2008/3, p. 49) ;
  • une décision « passée en force de chose jugée » est une décision définitive, c’est-à-dire à l’encontre de laquelle aucun recours n’a été inscrit, dans le délai soit d’un mois pour une décision au fond, soit de 15 jours pour une ordonnance de référé : IL FAUT DONC SIGNIFIER LA DECISION RAPIDEMENT. 
  • le bailleur dispose d’une décision de justice constatant l’acquisition de la clause résolutoire du bail mais qui n’est pas passée en force de chose jugée (soit que le délai de recours n’est pas expiré, soit qu’un recours a été formé), la résiliation du bail n’est pas acquise au jour du jugement, le bail commercial en cours se poursuivant dans l’attente de l’option du mandataire (RJ) ou liquidateur (LJ)
  • l’action du bailleur est en cours devant une juridiction et aucune décision n’a encore été rendue, la règle de l’arrêt des poursuites s’applique de plein droit, la procédure collective du preneur suspendant les effets du commandement de payer (JURISPRUDENCE CONSTANTE : Civ. 3e, 27 juin 2006, no 05-14.329 ; Civ. 3e, 9 janv. 2008 no 06-21.499 ; Com. 28 oct. 2008, no 07-17.662 ; Com. 15 nov. 2016, no 14-25.767 ; Com. 26 mai 2016, no 15-12.750 ; Com. 2 oct. 2012, no 11-21.529 ; Civ. 3e, 17 mai 2011, no 10-15.957).

Bonne pratique selon Me Jean Baptiste POLITANO

Il est recommandé au bailleur de faire signifier au preneur un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail, dès le premier impayé.

Se renseigner sur la situation économique de votre locataire. 

Si ce commandement reste infructueux passé le délai d’un mois, le bailleur devra mettre en œuvre sans délai une instance judiciaire afin de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail et voir ordonner l’expulsion de son locataire. (Assignation en expulsion bail commercial voir article)

Dès que le bailleur est en possession du jugement il faut rapidement signifier à son locataire, la décision constatant l’acquisition de la clause résolutoire et ordonnant son expulsion, afin de purger les délais de recours et disposer d’une décision passée en force de chose jugée, opposable aux organes de la procédure en cas d’ouverture d’une procédure collective à l’égard du locataire. 

C’est pourquoi, il est nécessaire de collaborer avec un commissaire de justice ultra diligent. 

EN CONCLUSION : Ce n’est qu’une question de temps, dès que l’on constate un impayé il est nécessaire de délivrer un commandement de payer. 

LE BAIL PEUT-IL ÊTRE RÉSILIÉ À L’INITIATIVE DU BAILLEUR APRÈS LE JUGEMENT D’OUVERTURE SUR D’AUTRES FONDEMENTS ?

Il convient de rappeler que l’article L. 622-21 du code de commerce, vise uniquement les actions en résiliation du bail ou en paiement fondées sur un défaut de paiement de créances antérieures.

En dehors de ces cas, le bailleur peut rechercher la résiliation ou le non-renouvellement du bail, notamment dans le cadre des actions suivantes :

1 er cas : Action en résiliation du bail pour inexécution d’obligations antérieures autres que des sommes d’argent

À titre d’exemples, ont été jugées recevables, les actions en résiliation pour manquement du preneur à ses obligations :

  • d’assurance (Com. 28 mai 1996, no 93-16.125, Com. 28 oct. 2008, no 06-20.862, Com. 11 oct. 2016, no 15-16.099) ;
  • d’obtenir l’accord du bailleur pour sous-louer (Paris, 16 janv. 1998) ;
  • d’entretenir les locaux loués (Com. 16 oct. 2007, no 06-16.71).

En pratique, le bailleur doit appeler dans la cause les organes de la procédure collective (C .com., art. L. 641-12) et notifier son assignation aux créanciers inscrits (C. com., art. L. 143-2).

2ème cas : Action en refus de renouvellement du bail pour motif grave et légitime :

Le bailleur a la faculté de poursuivre une action en refus de renouvellement sans indemnité d’éviction pour motif grave et légitime, sur le fondement de l’article L. 145-17, I, 1° du code de commerce (Civ. 3e, 14 mai 1997, no 94-22.146).

2. L’OPTION DE POURSUIVRE OU NON LE BAIL

QUI SONT LES TITULAIRES DE L’OPTION ?

Avant la réforme issue de l’ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008, le bailleur disposait de la faculté de mettre en demeure l’administrateur ou le liquidateur, d’avoir à se prononcer sous un mois, sur le sort du bail. Passé ce délai d’un mois, et si le bailleur n’avait pas obtenu de réponse, il pouvait obtenir la résiliation du bail (C. com., art. L. 622-13, al. 1er anc. rédaction).

Depuis la loi de sauvegarde du 25 juillet 2005, modifiée par l’ordonnance no 2008-1345 du 18 décembre 2008, le sort du bail est régi par la combinaison des articles L. 622-13 I et II (applicable aux contrats en cours en général) et L. 622-14 (applicable au « bail des immeubles donnés à bail au débiteur et utilisés pour l’activité de l’entreprise »). Il résulte de cette combinaison, que le bailleur ne dispose plus de la faculté de mettre en demeure l’administrateur ou le liquidateur, ni de la possibilité d’obtenir la résiliation du bail à défaut de réponse passé le délai d’un mois.

L’option de poursuivre ou non le bail appartient désormais uniquement à l’administrateur (ou s’il n’a pas été désigné d’administrateur, au preneur lui-même, après avis conforme du mandataire judiciaire) ou au liquidateur (C. com., art. L. 622-14, L. 627-2 et L. 641-12).

L’OPTION DE NE PAS POURSUIVRE LE BAIL

L’administrateur ou le liquidateur dispose seul de la possibilité de décider unilatéralement, discrétionnairement et sans préavis, de la résiliation du bail (C. com., art. L. 622-14, 1°). Cette décision est notifiée aux créanciers inscrits sur le fonds (C. com., art. L. 143-2).

Depuis l’ordonnance no 2008-1345 du 18 décembre 2008, la résiliation ne prend plus effet au jour où le représentant du débiteur demande à mettre fin au bail mais « au jour où le bailleur est informé de la décision de ne pas continuer le bail » (C. com., art. L. 622-14, 1°).

Le bailleur souhaitant obtenir des indemnités ou pénalités au titre de la résiliation du bail, devra déclarer sa créance au passif du locataire, dans le délai d’un mois à compter de la date de la notification de la décision prononçant la résiliation (C. com., art. R. 622-21, al. 2). Les loyers et charges dus entre le jugement d’ouverture et la résiliation du bail portés à la connaissance du mandataire, bénéficient en revanche du privilège de l’article L. 622-17 C. com.

Lorsque l’administrateur ou le liquidateur opte pour la non-continuation du bail en cours, il doit immédiatement procéder à la restitution des lieux

À défaut, sa responsabilité personnelle pourrait être engagée.

Mise en garde 

Dans l’hypothèse où le locataire ne libère pas spontanément les locaux loués, le bailleur peut saisir le juge-commissaire afin de faire constater la résiliation du bail et la date de résiliation (C. com., art. R. 622-13, al. 2).

Le juge-commissaire ne dispose toutefois pas de la compétence juridictionnelle, lui permettant d’ordonner l’expulsion du locataire. Ainsi et malgré la compétence du juge-commissaire, la jurisprudence autorise le bailleur à saisir le juge des référés afin de faire à la fois constater la résiliation du bail et ordonner l’expulsion du locataire.

Lors de la restitution des lieux, la responsabilité du mandataire peut être engagée si le bailleur constate des dégradations locatives intervenues durant la période de gestion du mandataire.

L’OPTION DE POURSUIVRE LE BAIL

Lorsque le mandataire opte pour la poursuite du bail, le contrat se poursuit à ses conditions habituelles, le mandataire n’ayant pas le pouvoir d’en modifier les clauses. (les clauses du bail commercial sont figées et reposent tout simplement sur les dispositions des articles 1101 et suivants du code civil)

La poursuite du bail suppose que les loyers et charges puissent être payés à leur échéance, ce dont le mandataire doit s’assurer, le paiement au comptant étant exigé en liquidation. (C. com., art. L. 622-13, L. 641-11-1, II, al. 2). 

Le mandataire qui aurait opté pour la poursuite du bail sans avoir procédé à cette vérification, pourrait voir sa responsabilité personnelle engagée à l’égard du bailleur (C. com., art. L. 622-1).

LE SORT DU BAIL EN PLAN DE SAUVEGARDE OU DE REDRESSEMENT

La poursuite du bail et le paiement du passif

L’arrêt d’un plan de sauvegarde ou de redressement n’a aucune incidence sur le sort du bail commercial en cours. Le bail se poursuit normalement et le locataire est tenu de payer à bonne date les loyers et charges.

Durant l’exécution du plan, le principe de l’interdiction de paiement des dettes antérieures demeure. Le bailleur ne peut donc pas poursuivre son locataire en paiement des loyers impayés antérieurs au jugement d’ouverture, mais s’il a déclaré ses créances antérieures à titre privilégié, il sera payé en priorité en application du plan arrête.  (Com. 7 juill. 2009, no 07-12.877). 

En effet, le bailleur est un créancier privilégié et non chirographaire. 

Inexécution du plan

Recouvrement des impayés : avant la réforme du 26 juillet 2005, le bailleur qui n’était pas payé aux échéances prévues dans le plan, pouvait poursuivre son preneur en paiement, pour la partie devenue exigible de sa créance, sur le patrimoine du locataire défaillant.

Depuis la réforme du 26 juillet 2005 et l’ordonnance du no 2008-1345 du 18 décembre 2008, le commissaire à l’exécution du plan est seul habilité à procéder au recouvrement des impayés, sous réserve que le plan ne soit pas résolu (C. com., art. L. 626-27, I). 

Le bailleur non payé ne peut donc plus agir personnellement contre son locataire-débiteur. Il dispose néanmoins de la faculté de saisir le Tribunal de commerce aux fins de résolution du plan, si le débiteur n’en respecte pas les modalités (C. com., art. L. 626-27).

LE BAIL PEUT-IL ÊTRE RÉSILIÉ APRÈS AVOIR ÉTÉ INITIALEMENT POURSUIVI ?

RÉSILIATION À L’INITIATIVE DU BAILLEUR POUR NON-PAIEMENT DE CRÉANCES POSTÉRIEURES

Le bailleur peut solliciter la résiliation du bail selon les dispositions spécifiques aux procédures collectives, en cas de défaut de paiement des « loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture » (C. com., art. L. 622-14, L. 641-12), ou l’acquisition de la clause résolutoire pour tout défaut de paiement postérieur, selon le droit commun des baux commerciaux (C. com., art. L. 145-41).

Cette action ne peut être mise en œuvre avant un délai d’attente de trois mois suivant le jugement d’ouverture de la procédure collective (C. com., art. L. 622-14, 2° ; Com. 15 nov. 2017, no 16-13.219).

CONSEIL DU CABINET : 

De tout ce qui est mentionné ci-dessus, on peut voir que cette procédure est très longue et que le bailleur est désarmé et doit attendre plusieurs délais pour se voir payer ses loyers commerciaux. 

Ainsi, je vous conseille vivement de délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire dès le premier impayé et d’être assister par un avocat pour faire rapidement la procédure. 

Si la procédure est simple le cabinet POLITANO AVOCAT appliquera des honoraires moins onéreux et agira extrêmement vite. 

Le bailleur peut faire constater la résiliation du bail aussi bien par le juge-commissaire, qu’en référé par le tribunal judiciaire, lesquels disposent d’une compétence concurrente.

Cette compétence concurrente présente les avantages et inconvénients suivants :

  • devant le juge-commissaire, l’action du bailleur ne pourra tendre qu’à faire constater la résiliation du bail, sans pouvoir faire ordonner l’expulsion du locataire qui relève de la seule compétence du tribunal judiciaire ;
  • devant le juge-commissaire, l’action du bailleur en résiliation de plein droit n’a pas à être précédée d’un commandement de payer préalable, contrairement à l’action en acquisition de la clause résolutoire, engagée devant le tribunal judiciaire (Com. 9 oct. 2019, no 18-17.563, Com. 15 janv. 2020, no 17-28.127, Paris, 24 sept. 2020, no 19/19026).

Bonne pratique du cabinet POLITANO AVOCAT

Dès le premier impayé postérieur au jugement d’ouverture et sans attendre l’expiration du délai de trois mois susvisé, le bailleur peut anticiper son action en acquisition de la clause résolutoire du bail, en faisant délivrer au locataire un commandement de payer et ainsi faire courir le délai d’un mois dudit commandement. Le délai d’attente de trois mois est en effet un délai d’action, qui ne vise que l’assignation du bailleur.

POSSIBILITE DE RÉSILIATION À L’INITIATIVE DU MANDATAIRE OU LIQUIDATEUR

L’administrateur ou le liquidateur qui a opté pour la poursuite du bail, peut revenir sur sa décision, et décider unilatéralement de mettre un terme au bail, dont il ne pourrait plus honorer les échéances.

En effet, cette initiative est prise lorsque ce dernier constate que sa responsabilité risque d’être encourue. 

EN CONCLUSION : La procédure est complexe et longue. Il est donc primordial d’être assisté de Maitre Jean Baptiste POLITANO pour ce type de contentieux, il va mettre en avant toutes ses connaissances juridiques pour vous protéger et d’éviter une aggravation des dettes locatives. 

Le cabinet s’engage à être extrêmement diligent et rapide dans ce type d’affaire et s’engage à vous répondre dans des délais courts (moins de 1H00 (appels téléphoniques et mails)).