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Ordonnance d’injonction de payer : point de départ du délai d’opposition

CABINET POLITANO AVOCATS

Droit civil – procédure civile – procédure civiles d’exécutions

Ordonnance d’injonction de payer : point de départ du délai d’opposition

Aux termes de l’article 1416 du Code de procédure civile : 

« L’opposition est formée dans le mois qui suit la signification de l’ordonnance.

Toutefois, si la signification n’a pas été faite à personne, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur. »

Ainsi, le délai d’opposition à une ordonnance portant injonction de payer qui n’a pas été signifiée à personne court, en cas d’intervention d’un créancier à une procédure de saisie des rémunérations, à compter de la date de notification de l’intervention au débiteur.

La procédure d’injonction de payer est caractérisée en principe par sa simplicité mais également de son cout. (les honoraires ne sont pas excessifs). 

Toutefois, elle continue d’alimenter régulièrement la jurisprudence sur des points pourtant tranchés, elle peut encore être source de nouveaux questionnements.

Tels qu’il résulte de l’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 24 octobre 2024 (Cass. 2e civ., 24 oct. 2024, n° 22-15.682, n° 993 B). 

Cette décision, publiée au Bulletin, livre une application inédite de l’article 1416 du code de procédure civile dans une espèce où l’ordonnance d’injonction de payer, non signifiée à personne, fonde l’intervention du créancier à la saisie des rémunérations de son débiteur. 

Selon cet article, l’opposition à une ordonnance portant injonction de payer est formée dans le mois qui suit la signification de l’ordonnance.

Si celle-ci n’a pas pu être faite à personne, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur. 

Ainsi la Cour de cassation, lorsqu’aucun acte n’a été signifié à personne et que la première mesure d’exécution consiste en une saisie des rémunérations réalisée par voie d’intervention, le point de départ du délai d’opposition est la date de notification de l’intervention au débiteur.

En l’espèce, une ordonnance portant injonction de payer est rendue à l’encontre de deux débiteurs, sous l’empire des textes antérieurs à la réforme issue du décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021). 

L’ordonnance provisoire est signifiée par dépôt à l’étude de l’huissier (devenu commissaire) de justice. 

En l’absence d’opposition dans le mois suivant cette signification, et sur demande du créancier, le greffier appose sur l’ordonnance la formule exécutoire.

La signification subséquente de l’ordonnance visée pour exécutoire est également faite dans les formes de l’article 656 du code de procédure civile. Sur le fondement de cette décision, le créancier intervient à une procédure de saisie des rémunérations de l’un des débiteurs, laquelle donne lieu à répartition. 

Plus d’un mois après, le débiteur forme opposition à l’ordonnance portant injonction de payer, mais celle-ci est déclarée irrecevable par le juge du second degré. L’affaire est alors portée devant la Cour de cassation.

Statuant au visa des articles 668 et 1416 du code de procédure civile, R. 3252-6, R. 3252-30 et R. 3252-31 (dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-913 du 30 août 2019) du code du travail, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt rendu par la cour d’appel, remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant une autre cour d’appel.

Une solution établie en cas de saisie-attribution

Le questionnement soulevé en l’espèce, lié à la recevabilité de l’opposition, n’est pas sans rappeler celui posé lorsque la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur est une saisie-attribution. 

Il convient de rappeler que la Cour de cassation a indiqué, dans un avis rendu le 16 septembre 2002 (Cass. avis, 16 sept. 2002, n° 0200003), que le délai pour former opposition court à compter de la dénonciation de la saisie-attribution au débiteur. Cette solution est, depuis, bien établie (Cass. 2e civ., 11 déc. 2008, n° 08-10.141).

En cas de saisie-attribution, il convient donc de ne pas faire une application littérale des dispositions de l’article 1416 du code de procédure civile, mais de s’en tenir à l’esprit du texte. 

Si le débiteur ne peut, en principe, plus ignorer l’existence de l’ordonnance d’injonction de payer lorsque des biens sont saisis sur son fondement, encore faut-il qu’il ait été informé de la mesure d’exécution.

L’arrêt du 24 octobre 2024 est le résultat d’une appréhension similaire par la Haute juridiction des dispositions de l’article 1416 du code de procédure civile. 

Faute de signification à personne de l’ordonnance et de tout autre acte, le point de départ du délai d’opposition est fixé par la première mesure d’exécution, à savoir, en l’espèce, la saisie des rémunérations réalisée par voie d’intervention.

Or, l’intervention du créancier titré échappe à la tentative préalable de conciliation devant le juge. Après vérification par ce dernier des éléments de la créance, le greffier notifie, dans les formes de l’article R. 3252-6 code du travail, l’intervention au débiteur et aux créanciers déjà parties à la procédure.

C’est seulement à cette date que le débiteur est informé de l’intervention du créancier et est mis en mesure de former opposition.

De ce fait, le raisonnement de la cour d’appel, ayant jugé l’opposition irrecevable comme tardive, au motif que la preuve de la réalisation d’une mesure rendant indisponible les biens du débiteur était rapportée et sa date fixée au plus tard au jour de la répartition des fonds saisis au titre de la créance faisant l’objet d’une intervention, ne pouvait s’entendre avec les principes posés par la Cour de Cassation. 

C’est vraiment à compter de la connaissance de cette mesure d’exécution que le débiteur a un mois pour former opposition à l’injonction de payer et bénéficier d’une procédure contradictoire devant une juridiction au fond. 

Pour cette dernière, le point de départ de l’opposition à une ordonnance portant injonction de payer qui n’a pas été signifiée à personne est, en cas d’intervention d’un créancier à une procédure de saisie des rémunérations, la date de notification de l’intervention au débiteur et, plus précisément, en application des dispositions de l’article 668 du code de procédure civile, la date de réception par le débiteur de la lettre adressée par le greffier en recommandé avec demande d’avis de réception.

En fixant le point de départ du délai d’opposition à la date de notification de l’intervention adressée au débiteur, l’arrêt du 24 octobre 2024 fait application du principe essentiel de sécurité juridique. 

En effet, la Cour de cassation uniformise sa position en retenant comme point de départ du délai d’opposition, lorsqu’aucun acte n’a été signifié à personne et que la première mesure d’exécution est pratiquée entre les mains d’un tiers, la date à laquelle le débiteur en est informé. 

Attention, le débiteur doit rapidement prendre connaissance du délai d’opposition qui est d’un mois et de la faire parvenir par courrier recommandé directement au greffe de la Juridiction.